J'ai dit moi aussi
au temps
- passage du gué -
l'art :
l'enfance de l'existence
Une véritable alchimie : les lettres réinventent un récit tel un monde, un univers d’innocence neuve.Un décor s’effondre, rappelant le vertige existentiel face aux oiseaux tombés de tous les arbres. Mais, au moment de perdre le chaudron d’émotions, les lettres, tordues, plissées comme des linges répondent à l’effondrement final par un subterfuge suavement vénéneux, qui s’insinue dans le baroque pour toucher du doigt la branche fleurie : le privilège d’être en vie.
Le chemin des mots, de la création, cherche une définition comme un arbre qui pousse, bourgeonne, fleurit, associé aux palpitations de créatures anonymes vaguement rougeâtres dispersées à la scène nomade et tragique.
L’univers lui, vacille entre le visible et l’invisible. Ses fleurs tombent mais il ne meurt pas.
L’élégance du geste est une priorité pour contempler le vide des feuilles, pas une application mécanique.
Comment garder une indispensable dimension d’équilibre du poids de l’âme et de la fantaisie, provocation, fantômes, avec identité, quête de soi ?
Cela me perturbe.
Tout le monde est embarqué comme pour une danse et après la dissection de l’être, nos mains donnent naissance et bouleversent la pensée. Comme dans un papier froissé : l’impression d’être créé à l’instant.
C’est d’une telle impertinence dans la facilité !
L’horizon se dégage entre les murs de la puissance et de la grâce, malgré la brutalité de l’enfance.
Il s’agit donc là, dans une langue étrange remplie de questions,
de la vie et de ses folies.
Une terrible beauté est née mais cela reste un mystère.
Même quand la parole surgit, l’homme contredit sa conscience, cet instrument à percussion qui a voulu échapper au néant.
Nul doute que pour autant telle une marionnette actionnée par le fil invisible de la réalité, le déclic se fait à la frontière rare de la résonance entre un nomadisme habité d’absence, et des moments fulgurants, comme une alliance réalisée où « je est mon autre » poétique, vivant là quelque chose de précieux et d’impalpable.
Mais quel déjeuner, Madame, quel déjeuner !
Des femmes vous le préparent, en rose, ici même, ici, en barquettes, en usine, sous vos yeux mêmes pas préparés à ça. Ici. Oui. Ici. Tandis que des pommes pourissent sous les arbres, seuls les oiseaux ne s'envolent pas. A trop vouloir atteindre le soleil, ceux-ci échappent au vide, ceux-là chûtent et s'entassent, ici, s'amassent, se convulsent, tracent des signes de quoi, des cris, se masquent, se détournent, tandis que des femmes, en rose,en usine, sous vos yeux, continuent, en barquettes, à produire, en rose, quel déjeuner, Madame, quel déjeuner !
Sans l'herbe, le déjeuner n'est plus ce qu'il était.
(inspiré du tableau d'Edouard MANET : "le Déjeuner sur l'herbe" (1862), et d'une photo de la préparation de plats au poulet dans une usine en Chine, par des ouvrières habillées de rose)
On pourrait organiser l'exode ? Et se demander comment s'interroger sur l'existence ? Après un événement tragique, la capacité des individus à s'abstraire se réduit un peu, et c'est normal. Passer des heures avec les agités pour incarner le vide autour d'eux, les conditions sont plus dures, mais c'est aussi important, voire davantage, que le paradis de la perfection dérangeante. Vision glaciale. Dès lors qu'on prend la perspective de la découverte, il y a un vrai goût pour des choses assez simples. Je suis né, c'est un problème. J'ai grandi. A travers moi l'exode n'est plus adaptée aux enfants des programmes, aux jeunes. Quand mon père me croisait, c'était un peu plus féroce. L'imagination est une évasion, aujourd'hui, parce que l'enfant intérieur ne nous a jamais pardonné d'avoir grandi. Découvrir le souvenir d'une innocence perdue est un moment difficile. On ne peut rien transformer. Nous pouvons nous permettre de garder notre indignation. C'est une respiration crue... de la taille de l'absence. Bien sûr, il faut avoir un pied qui permet de tenir, mais être aussi capable de s'en passer - Je suis tout juste à l'équilibre, sur mes pareilles animées - mais il n'y a pas une voie pour cela. On me demande évidemment d'éviter l'utilité d'un bleu aveuglant. Mais de façon trop brutale, vous êtes secs en noir et blanc. Je n'ai pas un matin uniquement rouge sombre comme le sang qui coule dans nos veines, en ce moment. Je suis à regrouper.